Comme 2d29834d-a7f0-4037-803e-ea7a279ddc68une mule qui apporte une glace au soleil, Sarah Ladipo Manyika, Delcourt Littérature, 17€

Le lecteur découvre le riche passé de Morayo, citoyenne du Nigeria de soixante-quinze printemps, vivant depuis vingt ans à San Francisco, ainsi qu’une galerie de personnages guidés par une certaine sagesse. Aux récits chagrins ou mélancoliques sur la vieillesse, Sarah Ladipo Manyika oppose une œuvre joyeuse et philanthrope portée par une héroïne inoubliable dont la connaissance du cœur humain n’a d’égal que sa verve truculente.

 


93d31b17-5ff6-4c8c-b772-7fae951090b8Cantique de l’acacia, Kossi Efoui, Seuil, 18€

Dans ce roman poétique, où les femmes s’adonnent à l’art de rêver les enfants qui ne sont pas encore au monde sur l’île aux Acacias, à la saison des floraisons, Kossi Efoui raconte une généalogie de battantes qui va conquérir sa liberté dans l’Afrique d’aujourd’hui. Un conte splendide sur le destin.


9782843048012FSBelle merveille, James NOEL, Zulma, 16.50€

Chant incantatoire, sur le séisme du 12 janvier 2010, Belle merveille  est une célébration hors-norme de la vie, un hommage puissant et émouvant au pays natal et à ses habitants, à la langue de feu. Une explosion de vitalité, d’érotisme et de sexe. Inventif et caustique, un texte météore qui fait jaillir de la tragédie les délices orgiaques de la vie.


9782330069131FS

Baba Segi, ses épouses, leurs secrets, Lola SHONEYIN Actes sud, 22€

Quand l’une des nouvelles voix de la littérature nigériane s’empare d’un sujet de société qu’est la polygamie, le résultat est détonnant ! Une histoire truculente et enlevée, portée par quatre femmes au verbe haut, qui dénonce la condition féminine dans ce grand pays africain. Lola Shoneyin épingle avec humour, audace et finesse, les faux-semblants de son pays.


Tout s’ef9782330070403FSfondre, Chinua ACHEBE, Actes sud, 7,70€

Traduit dans une cinquantaine de langues et vendu à plus de 12 millions d’exemplaires, le chef-d’œuvre de Chinua Achebe intitulé Tout s’effondre, en référence au magnifique poème de W. B. Yeats « The second coming », est un phénomène éditorial mondial. Le livre est devenu un classique à l’époque où il fut publié. Le cinquantenaire de sa parution a donné lieu à de nombreuses commémorations. Un incontournable en somme. Récit d’une tragique défaite, il raconte le déclin de l’Afrique précoloniale sous la poussée des envahisseurs européens. Comment le quotidien immuable d’Okonkwo, puissant et valeureux seigneur du clan ibo, s’écroule avec l’irruption brutale des Blancs dans un village du Nigeria. Loin des récits nostalgiques d’une Afrique primitive et candide (le monde dans lequel évolue le héros est lui aussi cruel), Tout s’effondre est un témoignage ethnologique unique, mais c’est aussi une fable en actes, ingénieuse et chargée de sens, au langage universel. À découvrir de toute urgence.

*Pages des Libraires 181


Lagos L9791022604536FSady, Leye ADENLE, Métailié, 20 €

Nouveau venu dans la galaxie du polar, Leye Adenle nous embarque pour une virée électrique au cœur des quartiers chauds de Lagos qui dévorent les vies et les immondices. Un polar survolté dénonçant la condition féminine et qui déconstruit avec humour le poncif d’une Afrique barbare.

Pour lire un entretien avec l’auteur :

http://www.pagedeslibraires.fr/dossier-834/la-dame-en-noir.html

Recommandé par Sarah !


9782702144756FSN’ba, Aya CISSOKO, Calmann Lévy, 17€

Savoir d’où l’on vient, tel est le fil rouge du nouveau roman de l’ancienne championne du monde de boxe. Et ce en racontant sa mère, ba en bambara, qui vient de mourir. Dans un flot de souvenirs, l’auteur revient avec une simplicité forte et bouleversante sur la vie de cette dernière, qui malgré une vie d’épreuves successives, garda toujours la tête haute et le verbe haut. Née au Mali, elle rejoint son mari en France au milieu des années 1970. A travers des chapitres thématiques (Tu frottes bien ! La France, L’entremetteuse,…) sont contés la solitude, l’éducation des enfants, le foyer de Montreuil, les discussions dans la langue du pays natal mais aussi la perte d’êtres chers, l’attachement à la communauté et les gestes qui rattachent à la vie d’avant. Immersion dans la diaspora africaine et portrait-hommage à la mère qui s’est assumée envers et contre tout, N’Ba constitue un retour passionnant sur les femmes d’Afrique, piliers de la famille, même loin de chez elles.

*Page des Libraires


Les br9782848765068FSasseurs de la ville, Evains WECHE, Philippe Rey, 17 €

Dans le roman d’Evains Wêche, la vie est coriace dans la tentaculaire capitale haïtienne et on vit à l’heure du brassage, de la débrouillardise. Le bruit et les rumeurs font la pluie et le beau temps et l’art d’esquiver est nécessaire pour éviter les piétons, les étalages de marchandises et les odeurs d’immondices. Afin de survivre, on enchaîne les petits commerces pour « faire marcher le moulin, remplir les tripes et tuer la mort au jour le jour » et on magouille. C’est cette rengaine que raconte le jeune auteur à travers le quotidien d’une famille de Carrefour, commune située à la périphérie sud de Port-au-Prince. Lui est maître pelle sur un chantier, elle est marchande ambulante de serviettes et bonne à tout faire. Ils tentent d’élever tant bien que mal leurs cinq enfants. Avec son brevet en poche et ses longues jambes, l’aînée Babette est l’unique espoir de ses parents. Le jour où un certain M.Erickson jette son dévolu sur la ravissante adolescente, le destin de la fratrie bascule jusqu’au point de non-retour. Sur fond de trafic d’influence, de désinformation de la population et de combines entre le gouvernement et les ONG (un des personnages compare Haïti à « une putain que les membres de la communauté internationale se passeraient à tour de rôle »), Evains Wêche, à travers cette descente en enfer, donne à voir une réalité : la survie au jour le jour. Et de son écriture rythmée et colorée, pleine d’inventivité, dénonçant les états de fait, il donne voix à un peuple qui gronde.


9782330058753FSKannjawou, Lyonel TROUILLOT, Actes sud, 18€

Dans une société où la littérature et la politique sont inextricablement liées, Lyonel Trouillot ne fait pas office d’exception. Ces mots sont des charges. Dans son dernier roman Kannjawou, il raconte son pays, l’un des plus pauvres au monde, meurtri par des décennies d’instabilité politique, et fustige son occupation par les forces militaires et les ONG, sous contrôle de la communauté internationale. On ne chasse pas des soldats avec des mots, comme le souligne Sentinelle des pas perdus, le sagace narrateur du roman, mais il est parfois nécessaire « de tout consigner » quand cela va mal. Ainsi, posté dans la rue de l’Enterrement, cette vigie inébranlable raconte le quotidien dans une terre où la richesse et la pauvreté se livrent une guerre de mouvement. La violence et l’exclusion sociale. Les bottes ennemies. Le cimetière et ses deux visages : le jour, les cortèges et les fanfares, la nuit, les coups de pioche des voleurs de cercueil. Et à travers sa voix, c’est toute une galerie virevoltante de personnages qui entre en scène, à commencer par ses amis, la fameuse « bande des cinq », dont il fait parti. Liés depuis l’enfance, ils devisent sur la marche du monde et leur avenir. Fantasmant d’improbables révolutions, ils tentent aussi d’instaurer un peu de justice sociale en créant avec quatre bouts de tôle une association culturelle pour les jeunes du quartier. Ainsi, autour du narrateur, étudiant qui passe son temps à cogiter sur la logique des parcours individuels, de Popol, son frère silencieux, de Wodné, militant révolté à la pensée radicale, et de Joëlle et Sophonie, deux sœurs broyées par les pressions sociales, il y a aussi l’inoubliable Man Jeanne, doyenne et mémoire de la rue, qui verse du pissat de chat sur la tête de ses ennemis. On découvre aussi le petit professeur, intellectuel qui travaille sur une histoire de la gauche et des mouvements progressistes. A cette rue de l’Enterrement, emblématique de ce microcosme, s’oppose le bar « Kannjawou », fréquenté par « les occupants » et « assistants aux occupants ». Ces expatriés, qui viennent s’encanailler et boire l’argent produit par le malheur des locaux, changent régulièrement de poste, « au nom de la démocratie et du principe de rotation, et pour que toutes les nations en profitent ». Dans la culture populaire haïtienne, le mot kannjawou signifie le partage et la fête, la grande fête qu’espère tant le vieil Anselme à la fin de sa vie, entouré des siens et des voisins. Mais comment penser aux divertissements et aux réjouissances quand les inégalités, les jeux entre puissances, la corruption et la pauvreté détruisent toute cause commune, tout passé, tout avenir, tout rêve ? De sa langue pareille à nulle autre, chamarrée et incarnée, Lyonel Trouillot ébauche un temps où aucun expert ne viendra imposer les directions à suivre comme si les « vies étaient des fautes d’orthographe », et célèbre, dans un roman vibrant d’humanité, deux idées souvent piétinées : la mémoire et l’espérance.


9782371270244FS

Ejo, Beata Umubyeyi Mairesse, La Cheminante, 14€

Recueil de nouvelles rudes et tendres, révoltées et bienveillantes, réinventant « l’avenir d’un pays meurtri », Ejo donne voix aux femmes qui ont traversé cette terrible parenthèse. Onze prénoms de femmes pour onze nouvelles qui disent comment hier hante l’existence des survivants, la reconquête pas à pas de la vie et de soi-même. Un recueil brillant ponctué d’humour pour appréhender la reconstruction du Rwanda.


Love is Po9782843047107FSwer , ou quelque chose comme ça, Igoni BARRETT, Zulma, 22€

La littérature anglophone d’Afrique est plus vivante que jamais, et Love is Power, ou quelque chose comme ça, couronné par plusieurs prix prestigieux, en est une belle illustration. Avec ce recueil survolté de neuf nouvelles, A. Igoni Barrett nous plonge dans la plus grande ville du continent africain, Lagos, au Nigeria. Grâce à son écriture descriptive et nerveuse, épousant avec adresse le pouls de cette cité-monde, l’immersion est totale ! De l’odeur entêtante du gazole, aux « clameurs de cette populace à la réputation mondiale de grande gueule ». Et c’est dans ce microcosme, nourri de fureur et d’espoir, au chaos inquiétant, que l’auteur esquisse le quotidien de ses habitants. Il y a ainsi l’inoubliable Maa, une vieille femme épuisée contrainte de subir une opération des yeux et dont les conversations avec son chat émaillent le récit. Sous le regard impassible de l’animal, la vieille dame s’interroge sur l’amour de ses enfants. On découvre aussi l’espiègle Samu’ila, « spécialiste des mœurs du cyberespace », qui se fait passer pour une jeune veuve auprès d’un retraité américain afin de lui extorquer de l’argent, ou encore le policier Eghobamien Adrawus, qui se comporte en tyran, aussi bien dans sa vie professionnelle qu’à la maison. Mélangeant les milieux et les générations, l’auteur offre des variations sur l’amour, le pouvoir et la solitude, tout en explorant certaines des caractéristiques de la tentaculaire Lagos, comme la pauvreté, la violence, la corruption, etc. Love is Power, ou quelque chose comme ça est un livre électrique, débordant de générosité et de vitalité. Et aussi cruel que peut l’être le réel.

*Page des Libraires


 

Petit P9782021125092FSiment, Alain MABANCKOU, Seuil, 18,50€

Petit Piment est un jeune orphelin espiègle et débrouillard et c’est le personnage du nouveau roman d’Alain Mabanckou! Dans cette fable truculente, l’auteur congolais raconte les tribulations de Petit Piment. Après une enfance presque heureuse dans une institution catholique balayé par la révolution socialiste, le jeune garnement s’acoquinera avec les petits bandits du Grand Marché, vivra de combines et de larcins et rencontrera Maman Fiat 500, une généreuse maquerelle. Le bonheur semblera enfin à portée de main mais pour combien de temps? Formidable roman d’apprentissage, Petit Piment raconte cette jeunesse africaine qui tente d’exister coûte que coûte, quitte à passer la ligne rouge. Mais à travers l’histoire de ce Gavroche africain, c’est aussi l’histoire de son pays natal qu’explore Mabanckou ainsi que ses lignes de faille comme la corruption, les politiques autoritaires menées au détriment des individus ou encore la condition des femmes.

Un conte urbain délicieux, à la langue chamarrée.


L’Affair9791022601597FSe des coupeurs de tête, Moussa KONATE, Métailié, 16 €

Dans cet ultime enquête de l’inspecteur Habib et de son adjoint Sosso où des mendiants sont décapités, Moussa Konate poursuit son exploration des mutations de la société malienne entre tendresse, ironie et nostalgie.

Une intrigue  au charme fou et aux dialogues endiablés.


Le gri9782917623855FSot de la peinture, E. PEPIN, Caraïbéditions, 15 €

Dernier roman d’Ernest Pépin, plume majeure de la littérature caribéenne, Le griot de la peinture fait revivre Basquiat, peintre génial et « énigme primitive » de l’art des années 80, qui révolutionna le street art. Une expérience de lecture inédite.

Dans ce beau roman singulier, Ernest Pépin excelle à imaginer le parcours de cette « force vorace et affamée ». Les voix de la mère, figure tutélaire qui l’initia aux couleurs, et celle de Basquiat, enfant puis jeune homme, alternent pour dépeindre le parcours du prodige : de la fascination devant les livres d’anatomie et des premiers tags avec son ami Al Diaz jusqu’aux succès et la solitude derrière le faste des paillettes.

Né d’un père haïtien et d’une mère portoricaine dans le Brooklyn cosmopolite et contestataire des années 60, enfiévré par la misère et le racisme, Basquiat se pose très tôt la question de l’identité. Situé au carrefour de la contre-culture américaine et de ce qu’il appelle sa « négritude », le jeune homme ne cessera de s’interroger sur sa part métissée qui brouille les frontières et fusionne les héritages.

Le rapport à la peinture, son imaginaire, le monde de l’art, l’incompréhension du public, son combat identitaire, les amitiés dont celle avec Andy Warhol, les amours turbulents et les paradis artificiels sont aussi évoqués. Comme le souligne Lyonel Trouillot dans la préface, il ne s’agit pas de dire Basquiat tel qu’il fut mais de proposer une belle « hypothèse poétique formulée sur la vie d’un homme ».

Biographie romancée et intuitive, Le griot de la peinture est une plongée hallucinée et onirique dans la vie d’un génie. Avec une puissance métaphorique folle, l’auteur guadeloupéen Ernest Pépin dynamite les limites de chaque page dans une effusion d’étincelles, tout comme Basquiat l’ordinaire, pour donner vie à ce météore.

Pour celui qui souhaitait reprendre « l’histoire de la peinture par la main » à travers ses graffitis déroutants, il faut « fuguer en tournant le dos aux conventions, aux chemins tracés à l’équerre, aux sécurités douillettes ». Et la poétique d’ Ernest Pépin, inspirée de la vie et de l’œuvre de son griot, explore avec merveille cette légende posée comme inépuisable.


 

9791022601474FS

La confession de la lionne, Mia COUTO, Métailié, 18€

Dans le village de Kulumani, traversé par le fleuve Lideia, des lions tourmentent la population. Le chasseur Arcanjo se lance à la poursuite des fauves. Au sein de la bourgade isolée, gouvernée par des lois qui ne semblent appartenir ni à Dieu ni aux hommes et où règnent les esprits,  Arcanjo se trouve rapidement pris dans les relations complexes de la communauté. Les villageois sont les animaux mêmes qu’ils prétendent chasser, tandis qu’une pesante hostilité affecte les relations entre les hommes et les femmes. Mariamar, sœur de la dernière victime, a sa propre idée sur la cause de ces attaques. Chérie par son grand-père, qui lui donna ses premières armes, les mots, pour affronter un monde où « Le vrai nom de la femme est Oui », elle a déjà rencontré Arcanjo lorsqu’elle était adolescente. Ces deux voix, celle de la jeune femme et celle du chasseur reproduites dans son journal, alternent au fil des chapitres pour nous décrire la rencontre avec les lions, réceptacle des fantasmes et des frustrations des habitants.

Traversé de part en part par une cosmogonie féminine et peignant une vision politique et sociale à l’intérieur d’un univers chancelant, La Confession de la lionne est une magnifique fable à la langue enchantée qui nous aide à nous réconcilier avec nos peurs. « Vivre est incurable », et la prose de Mia Couto console.


9782843046988FSSnapshots-Nouvelles voix du Caine Prize, Zulma,18€

Après l’excellent Notre quelque part de Nii Ayikwei Parkes, l’éditeur Zulma poursuit son exploration vers les terres africaines, vivier de jeunes auteurs talentueux, pour notre plus grand plaisir !

Constitué de six nouvelles saluées par le Caine Prize (littérature anglophone d’Afrique), Snapshots est une excellente mise en bouche pour qui souhaite découvrir la littérature africaine contemporaine dans sa diversité et son inventivité ; à fortiori, un magnifique recueil destiné à tous les lecteurs amateurs de belles langues (chapeau aux traducteurs) et à la recherche de textes à l’originalité profonde.

Six voix d’Afrique du sud, du Zimbabwe, du Sierra Leone et du Nigeria. Six instantanés abordant des réalités telles que les inégalités sociales, l’homosexualité, la question de l’exil, l’attachement au pays natal, la violence, la question coloniale, les mystifications religieuses et les prêcheurs de miracles.Six personnages clefs dans une Afrique mondialisante dont Sunset, petite vendeuse d’œuf dans les quartiers pauvres de Harare , Raul et son bâton de combat Mormegil, enfant des rues qui combat dans un décor de décharge à ciel ouvert, ou encore le sergent de couleur Bombay, ancien combattant parti faire la guerre contre Hitler en Asie, et qui de retour, son univers des possibles élargi, proclame la plus jeune nation libre du monde, la République populaire de Bombay.

Tour à tour satirique, électrique, tragi-comique, terrible, poétique, hypnotique, un recueil coup de poing.


 

9782070146314FSSouveraine Magnifique, Eugène EBODE Gallimard, 16,90 €

Après La Rose dans le bus jaune (Gallimard, 2013), qui donnait la parole à Rosa Parks, Eugène Ébodé fait de nouveau œuvre de mémoire avec Souveraine magnifique, son huitième roman, témoignage d’une rescapée du génocide rwandais de 1994. Déconcerté par la lecture de l’étonnant verdict d’un procès qui obligeait une jeune femme à cogérer une vache avec le meurtrier de ses parents, le narrateur part au pays des Mille Collines pour tenter de comprendre ce qui a pu mener à pareille situation. Il rencontre Souveraine et sa vache Doliba. Les souvenirs de la survivante, âgée de 8 ans lors de la « saison des raccourcissements », affluent pour raconter l’indicible : les haines gangrenant son pays, la peur, les « moissons de crânes et de jarrets », le massacre de ses parents, la protection d’une famille musulmane, sa fuite au Congo, son exil qui dura quinze ans, puis son retour pour confondre le bourreau de ses proches. La reconstruction sociale du Rwanda est alors interrogée. À la question : « Mais vous, votre avenir, c’est quoi ? », Souveraine répond : « Des pointillés sur une feuille blanche. » Gageons que les mots de l’auteur, « passerelles de prévention et de mémoire », parviennent à opposer un projet de vie à la folie meurtrière.


9782070146284FSLa route des clameurs, Ousmane DIARRA, Gallimard, 17,50 €

La cité de Maabala et ses figuiers sauvages. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes dans ce « bled-fiction sans frontières » si le calife Mabu Maba dit Fieffé Ranson Kattar Ibn Ahmad Almorbidonne (oui oui !) et ses guerriers, les Morbidonnes djihadites ne venaient pas de débarquer. Sous couvert de guerre sainte, ils assujettissent la population par la violence et l’ignorance. Mais en dépit des menaces des « gamins imams des nouvelles mosquées », un artiste-peintre dont le travail est la seule prière va résister et c’est son fils qui raconte. Cette voix innocente conte dans un mélange de révolte, de terreur et de curiosité, les œuvres brûlées et la famille éloignée, la folie meurtrière et le fanatisme. « Je peins un monde à craindre !» dit le père et c’est précisément ce que fait Ousmane Diarra dans son nouveau roman, La route des clameurs. Porté par l’indignation et une ironie ravageuse, l’auteur malien gronde contre l’obscurantisme menaçant son pays. Une littérature en actes pour une réalité brûlante.

Page des Libraires 168


 

9782864249597FSFiston MWANZA MUJILA, Tram 83, Métailié,16€

Dans la Ville-Pays, capitale séparée de l’Arrière-Pays par une guerre civile et construite par la force des kalachnikovs, on vit au présent et on partage tous la même galère. À proximité d’une gare inachevée trône le Tram 83 qui voit chaque soir se déverser une faune insolente et tapageuse qui décrypte l’actualité à la lumière de Marx et Engels. C’est dans ce chaos de chairs et de sens que débarque Lucien, intellectuel fuyant diverses polices politiques, condamnations et censures. Il observe la foule qui le malmène et lui hurle : « Les rêveurs, on n’en n’a pas besoin ! ». Mais sa contemplation de la Ville-Pays tourne très vite à l’aventure picaresque. C’est ainsi qu’il rencontrera le directeur des Éditions Trains du Bonheur, Ferdinand Malingeau, se retrouvera dans une mine de diamants ou dans le lit d’une demoiselle.

Premier roman du congolais Fiston Mwanza Mujila, Tram 83 constitue une expérience de lecture forte. Tour à tour satirique, burlesque, poétique, mélancolique et autoréfléxive, cette immersion dans une mégapole grouillante montre l’énergie folle d’un pays réinventé en proie à l’instabilité politique. On en ressort groggy, envoûté par le rythme brute et mélodieux des phrases. Les mots sont comme des notes de jazz et ce n’est sans doute pas un hasard si l’auteur rêvait d’embraser une carrière de saxophoniste.


 

 

bofane Congo Inc-Le testament de Bismarck, In Koli Jean BOFANE, Actes Sud, 22 €

Depuis l’installation d’une antenne-relais par la société China Network dans son village, le jeune Isookanga n’a qu’une chose en tête, monter à Kinshasa, de peur de passer totalement à côté du XXIe siècle : « Je suis un mondialiste qui aspire à devenir mondialisateur ». Abandonnant coutumes, ancêtres rétrogrades et cercopithèques des bois, le jeune pygmée débarque dans la capitale pour faire du business. Il trouve alors refuge au Grand Marché avec les shegues, les enfants des rues, et devient très vite l’associé de Zhang Xia, un Chinois qui fait commerce d’eau potable. C’est ainsi que commence son aventure kinoise ! Après Mathématiques congolaises (tout aussi excellent) , In Koli Jean Bofane dresse à nouveau un tableau percutant du Congo ultra-contemporain, aux prises avec la mondialisation, et dépeint avec brio les problématiques du pays – les bénéfices des grandes puissances, les violences infligées aux femmes, les épurations ethniques, les compromissions des ONG, l’exploitation de la canopée et des ressources minières, etc. Personne n’est épargné dans ce roman à l’ironie cruelle, où les hommes ne cessent de dévoiler leur violence et leur bêtise. In Koli Jean Bofane est décidément un conteur hors pair.


 

mrambi Murambi, le livre des ossements, Boubacar BORIS DIOP, Zulma, 8,95 €

Le génocide rwandais décrypté par la plume d’un écrivain africain. Un homme revient après les événements et découvre le rôle de son père dans les tueries. Un roman contre l’oubli essentiel et bouleversant.