L’islam e(s)t ma culture, Leçons d’histoire littéraire pour les jours de tourmente, Tristan Vigliano, PUL, 10€
Médiéviste, Tristan Vigliano interroge les représentations de l’Islam dans la littérature française depuis
La Chanson de Roland. Dans la sidération provoquée par les attentats de novembre 2015, il rédige ce salutaire essai, brillant et accessible à tous.
Jours de famine et de détresse, Neel Doff, L’échappée, 16€

Le quotidien d’une famille pauvre, entre Amsterdam et Bruxelles, à la fin du XIXe siècle, raconté par la jeune Keetje. Un regard désillusionné sur le monde ouvrier, un conte, sombre et cruel, mais empli d’une formidable puissance d’évocation. Un classique de la littérature prolétarienne, enfin réédité dans l’excellente collection « Lampe tempête » aux éditions de l’Échappée.
Les aventures de Ruben Jablonski, Edgar Hilsenrath, Le Tripode,19€

L’auteur s’inspire de sa propre histoire pour nous faire suivre l’errance d’un jeune homme juif à la fin de la Seconde guerre mondiale, d’un ghetto en Roumanie jusqu’en Palestine. Alors que la tragédie collective bouleverse les existences, elle ne parvient pas à entamer l’appétit de vivre du narrateur, et c’est la force de ce roman que de faire se côtoyer l’horreur la plus sordide et l’insouciante légèreté de la jeunesse.
L’amas ardent, Yamen Manai, Elyzad, 19€

Un apiculteur qui mène une vie d’ascète auprès de ses abeilles ; un pays en proie à la montée des extrémismes. Les excellentes éditions tunisiennes Elyzad livrent une singulière fable politique et écologique, aux accents voltairiens. Un texte savoureux et drôle qui sort des sentiers battus.
Les étoiles s’éteignent à l’aube, Richard Wagamese, Éditions Zoe, 20€

Franklin Starlight, jeune indien ojibwé, mène une vie paisible plongée dans la nature canadienne. Lorsque son père, parti vivre en ville peu après sa naissance, l’appelle à son chevet, la rencontre est rude. Sentant sa fin arrivée, décimé par l’alcool, le travail et une vie de misère, Eldon Starlight voudrait mourir selon la coutume de son peuple. Forcé de partager un premier et dernier voyage, à travers la Colombie britannique, père et fils apprendront à se connaitre, à se confier et à se comprendre. Un roman tragique et splendide sur le destin des indiens Ojibwé, qui se lit d’une traite.
Mercy, Mary, Patty, Lola Lafon, Actes Sud, 19.80€

La professeure Gene Neveva est chargée de retracer l’histoire de Patricia Hearst, kidnappée par un groupuscule d’extrême gauche dans les années 70. Quelques mois plus tard, celle-ci choisit d’épouser la cause de ses ravisseurs… L’analyse de ce fait divers fascine par ses multiples facettes, brillamment mises en scène par Lola Lafon, dans ce roman proche du récit biographique.
Le courage qu’il faut aux rivières, Emmanuelle Favier, Albin Michel, 17€

Un premier roman ardent et d’une grande intensité qui explore, à travers le personnage inoubliable de Manushe, la coutume des « vierges jurées », ces femmes albanaises renonçant à leur féminité pour vivre comme des hommes.
A découvrir.
Les sables de l’Amargosa, Claire Vaye Watkins, Albin Michel, 23.49€
Dans la chaleur d’une Amérique où l’eau est devenue une rareté, Luz et Ray errent de maisons abandonnées en squats communautaires. Alors qu’ils viennent de recueillir Ig, un bébé orphelin, leurs pas les mènent vers la légendaire dune de l’Amargosa, et sa communauté mystique de hors-la-loi. Un roman d’une grande finesse, sombre et lumineux, aux questions complexes. Une très belle découverte.
Transport, Yves Flank, éditions de l’Antilope, 15€
Un petit texte audacieux et bouleversant qui capte sur le vif ce moment où nos humanités coudoient l’inacceptable. Dans un wagon en partance pour Pitchipoï, des voix s’élèvent pour raconter l’horreur, tandis que la femme rousse psalmodie un cantique à l’homme aimé pour s’arracher de l’indicible. Un long poème en prose inoubliable.
Cette chose étrange en moi, Orhan Pamuk, Gallimard, 25€
Orhan Pamuk poursuit son exploration de la belle du Bosphore, Istanbul, sa ville de cœur et de naissance, à travers les apprentissages de Melvut, au cœur candide, vendeur de rue de boza, boisson fermentée traditionnelle prisée par les Turcs. Une inoubliable épopée prolétarienne.
Ces rêves qu’on piétine, Sébastien Spitzer, L’Observatoire, 20€
Si la perspective d’un énième roman sur la Seconde Guerre mondiale vous fait fuir, oubliez vos appréhensions, vous ne le regretterez pas ! Ces rêves qu’on piétine est un premier roman délicat qui nous plonge dans une spirale infernale, aux confins de la folie humaine, à travers les figures de Magda Goebbels, prête à tout sacrifier, d’une enfant rescapée des camps et d’un père. Un texte lumineux qui interroge la mémoire et éprouve la résistance de l’amour dans un monde déboussolé.
Roi, Mika Biermann, Anacharsis, 17€
Il y avait le Satyricon, il faudra compter désormais avec Roi ! Un péplum décadent et déjanté qui déjoue les attentes du lecteur. Le décorum de cette diablerie se situe à Turpidum, dernière cité étrusque indépendante, où le jeune roi Larth, à peine sevré, se sent un peu désœuvré. Un jour, une ambassade romaine se présente, désireuse de lever un tribut en or…Truculent !
Lumikko, Pasi Illmari Jääskelainen, 10/18, 8.40€
Dans le petit village de Jäniksenselkä, en Finlande, tout tourne autour de l’immense écrivaine Laura Lumikko et de la mystérieuse société littéraire qu’elle a créée. Lorsqu’elle disparaît soudainement, Ella Milana, la dernière arrivée au sein de la société, va tenter d’élucider les zones d’ombres dans la vie de Laura Lumikko, et découvrir les étranges coutumes de la société qu’elle tenait d’une main de fer. Un étrange et passionnant thriller, où l’intrigue et les réflexions sur la littérature s’entremêlent, un délice.
M pour Mabel, Helen MacDonald, 10/18, 8.40€
Au décès de son père, Helen MacDonald, décide de renouer avec sa passion pour la fauconnerie. Elle entreprend l’art du dressage avec Mabel, un autour, race souvent perçue comme extrêmement sauvage, voire cruelle. Au gré de ses lectures et de son initiation se dessine un récit intimiste, au thème singulier.
Histoire de la bergère, Léo Barthe, Le Tripode, 15€
Au gré de ses envies, un bouvier offre ses services journaliers de ferme en ferme. Un beau jour, il croise une bergère emportée par l’ardeur de ses sens. Sous le nom de Léo Barthe, Jacques Abeille, signe un roman poétique et érotique, aux accents naturalistes, presque primitifs, célébrant l’amour, le désir, la transgression et la liberté chevillée aux corps. Un grand texte.
Ör, Audur Ava Olafsdottir, Zulma, 19€

Jonas, aux prémices de la quarantaine, est fermement décidé à écourter sa vie. Refusant d’imposer la découverte de son corps à ses proches, il choisit alors de partir risquer ses jours dans un pays au sortir de la guerre… Comme précisé en exergue, Ör signifie en islandais « cicatrice », mot et fil conducteur de ce tendre récit, qu’Olafsdottir déroule avec brio !
Les huit montagnes, Paolo Cognetti, Stock, 21.50€
Voici un titre qui figure au nombre de nos plus chaleureuses recommandations en cette fin d’année. Beau roman d’apprentissage et de filiation sur fond de nature, ce texte dit des fragments de vie à travers une langue pure et vive, tout en pudeur et profondeur, et nous invite à éprouver par la vue, le toucher, les sonorités et les parfums, la beauté des montagnes et des hommes.
L’enfant de l’œuf, Amin Zaoui, Le Serpent à
plumes, 18€
Le chien philosophe Harys aime son maître Moul aux chaussettes puantes qui aime Lara, une chrétienne réfugiée de Damas. Dans son neuvième roman, conte de liberté et d’ivresse, démasquant les vanités qui font le présent, l’écrivain Amin Zaoui met en scène le journal de ce trio improbable pour dire l’Algérie gangrenée par l’islamisme des Tartuffes. S’y déploient ses obsessions – la religion, les femmes, la culture, l’identité – qui innervent son œuvre et construisent un manifeste contre toutes les intolérances.
Une lecture jubilatoire et impertinente, hymne à la liberté de penser, de vivre et de créer face à toute forme d’autorité !

Légende d’un dormeur éveillé, Gaëlle Nohant, Héloïse d’Ormesson, 23€
De Cuba à Terezin, des années folles à l’Occupation, l’histoire d’un homme extraordinaire aux milles vies : le poète Robert Desnos, né avec le siècle en 1900, surréaliste de la première heure, arpenteur de l’inconscient, du merveilleux et du rêve, journaliste, chroniqueur radio, résistant, déporté et mort du typhus au camp de Terezin en juin 1945. Une légende qui va nous révéler le héros irrésistible derrière le poète, ses amis, ses amours, son écriture qui se nourrit de ce qui l’entoure et ses combats. Avec générosité et délicatesse, l’auteur raconte une belle âme, terriblement douée pour l’amitié. Un veilleur de la vie libre et un éveilleur de consciences. Car Robert Desnos ce sont avant tout deux grands yeux, doux et inquiets, ouverts sur le monde qui interrogent notre mémoire commune et nos manières de nous engager.
Une toile large comme le monde, Aude Seigne, Editions Zoé, 18€
Chaque seconde, sous l’océan, 145 millions de mails transitent continuellement à travers des câbles. Tout comme une heure d’échange de mails dans le monde consomme autant d’énergie que 4000 allers-retours Paris-New York en avion. Et lorsque Aude Seigne imagine plusieurs solitudes branchées sur ce flux, aux quatre coins de la planète, qui décident de faire planter le réseau internet, nous avons entre les mains un roman inspiré et inspirant, fabuleux polaroid de nos existences hyper-connectées. Nous connaissons tous les collisions de la Toile sur notre quotidien, mais en donnant forme au virtuel dans ce roman incarné du World Wide Web, l’auteur sonde avec délicatesse nos pratiques, les interroge et pointe du doigt l’impact environnemental du numérique. Ludique, poétique et troublant.
La
porte, Magda Szabó, Livre de poche, 7€90
Quels mystères cache la porte toujours close cette employée de maison, fraîchement embauchée par un couple d’intellectuels hongrois ? Alors que la narratrice/écrivain s’obstine à percer le secret de cette domestique à la langue acérée, liée presque malgré elle par un amour filial aussi impérieux qu’imprévisible, les deux femmes s’affrontent et s’apprivoisent, nous offrant une plongée saisissante dans la complexité des relations humaines et de la Hongrie d’après-guerre.
Nou
s avons arpenté un chemin caillouteux, Sylvain Pattieu, Plein jour, 13€
L’histoire folle de Jean et Melvin McNair, deux afro-américains, membres des Black Panthers, devenus pirates de l’air par désespoir. Un récit sociologique et historique extrêmement prenant sur l’intolérance et l’oppression qui fait un bien fou en ces temps confus.
Le
fleuve des brumes & La pension de la via Saffi, Valerio Varesi, Points seuil, 7€20 & Agullo noir, 21€50
Le commissaire Soneri n’est pas un homme d’action. Il aime laisser à l’enquête, comme à une bonne bouteille, le temps de se déployer. Il laisse les pièces de puzzle de l’histoire, la grande et la petite, se mettre en place au gré des repas et des déambulations. Replongeons avec lui dans l’histoire italienne pour éclaircir la disparition de deux bateliers anciens fascistes sur les rives du Pô, ou dans les ruelles de Parme pour enquêter sur la mort d’une vieille logeuse au passé enfoui. Le Vargas Italien, culinaire et reposant, un régal.
Derr
ière les panneaux, il y a des hommes, Joseph Incardona, Pocket, 7€40
Un homme enlève des enfants sur les aires d’autoroutes. Un second le chasse, patiemment, depuis six mois. Le temps d’un week-end d’été caniculaire, les trajectoires de vies vont se croiser, s’esquiver et parfois se heurter violemment dans ces espaces lisses et anonymes que sont les aires d’autoroutes. Un thriller impressionnant.
Un c
hant céleste, Yan Lianke, Picquier, 13€
Dans un petit village niché dans les montagnes vit You Sipo qui élève seule ses quatre enfants idiots de naissance. Un jour, alors qu’elle cherche un « gens-complet » pour marier sa troisième fille, elle découvre comment délivrer sa descendance de ce terrible mal… Fabuleuse fable insolite sur l’amour maternel et la tolérance, Un chant céleste ravit par sa prose flamboyante à l’humour magique qui donne forme à l’invisible.
Ailleu
rs, Dario Franceschini, Gallimard, 19€
Au seuil de la mort, lourd d’un trop-plein de non-dits, le notaire Ippolito dalla Libera, prisonnier d’une existence trop rangée, dévoile à son fils un grand secret. C’est alors les prémices d’un tourbillon fou qui emportera Iacopo dans un quartier populaire de Ferrare, un monde de voleurs et de putains, où chacun est libre de choisir son prénom. Sur les pas de son père, le jeune homme découvre les couleur lumineuses de la vie en compagnie de Mila, belle comme un fruit défendu. Entre réalisme et magie, l’auteur italien esquisse des chemins de traverse pour une autre vie.
Travers
ée en eau claire dans une piscine peinte en noir, Cookie Mueller, Finitude, 17€
Actrice dans les films de John Waters, visage incontournable du photographe Nan Goldin, voisine de palier de Janis Joplin, Cookie Mueller, est une icône incontournable du New-York underground des années 70 et 80. Vivant de petits boulots et de trafic de drogues, Cookie concentre autour d’elle toute la bohème artistique du Lower East Side. Et se raconte avec une gouaille fabuleuse dans quinze aventures étourdissantes trop délirantes pour avoir été imaginées. De belles pages sur ce qu’est une vie dans les marges et un malicieux concentré d’indépendance !
Ava
nt que les ombres s’effacent, Louis-Philippe Dalembert, Sabine Wespieser, 21€
La passionnante histoire d’un homme sans ancrage qui cherche une terre « où arrimer sa vie et ses rêves » dans l’Europe de la Seconde Guerre mondiale. De Berlin, ville de l’enfance, à Haïti, pays refuge, une fresque familiale captivante qui dévoile un épisode méconnu de l’histoire tout en faisant écho à des situations que nous continuons à vivre aujourd’hui. Un grand roman de l’errance et du métissage des cultures à l’écriture espiègle.
La jum
ent de Socrate, Elisabeth Laureau-Daull, Editions du Sonneur, 15€50
Vingt-quatre heures de la vie d’une femme… Et quelle femme ! Alors que Socrate, suite à son procès bâclé, se retrouve condamné à boire la ciguë, Xanthippe, sa jeune amante et mère de ses trois enfants, nous entraîne dans les méandres d’Athènes et des vaines solutions. Un récit fougueux et cadencé, où la personnalité acariâtre et sans concessions de cette épouse rebelle n’a d’égale que son dévouement – et force l’admiration.
Le
tour du monde en 72 jours, Nellie Bly, points Seuil, 6€70
« Seul un homme peut relever ce défi » s’entend répondre Nellie Bly le jour où elle propose à son rédacteur en chef de battre le record de Phileas Fogg, héros mythique de Jules Verne. Nous sommes en 1889 et c’est bien méconnaître la bravoure de cette icône du journalisme d’immersion : de gares en ports, ses chroniques, entrecoupées d’articles d’époque, sont autant d’invitations au voyage qu’une inspiration pour la cause féministe.
Ota
ges intimes, Jeanne Benameur, Babel, 7€70
Otage, Etienne le fût un temps. Reporter de guerre, il fût capturé puis libéré. De retour au village de son enfance, entouré de sa mère et de deux amis proches, il se reconstruit. Dans le silence et l’apaisement, se croisent trois destins en proie à la fureur du monde. Un roman poignant sur l’intime, sur le traumatisme et la puissance de l’amour.
La t
erre qui penche, Carole Martinez, Folio, 8€20
Blanche est morte en 1361, à l’age de douze ans. Mais son fantôme, sans repos, continue de veiller, lié au monde par la violence de son enfance. Dans un dialogue surréaliste entre le fantôme et la petite fille se peint un portrait d’une époque brutale faite de beaucoup d’ombres, et d’un brin de lumière. Plongez dans l’univers singulier de Carole Martinez, mélangeant sensualité, réalisme magique, et écriture cruelle. Un roman onirique, d’une beauté subtile.
D
e la marge au centre ; théorie féministe, Bell Hooks, Cambourakis, 22€
Dans le sillage de Ne suis-je pas une femme ?, bell hooks, intellectuelle et militante africaine-américaine, poursuit son analyse de l’histoire et des enjeux de la pensée féministe du siècle passé, majoritairement élitiste et blanche, et insiste sur la nécessité de mieux prendre en compte les identités culturelles minoritaires afin d’asseoir un mouvement politique global et pérenne. A mettre entre toutes les mains !
Lagos Lady, Leye Adenle, Points, 7,80€
Nouveau venu dans la galaxie du polar, Leye Adenle nous embarque pour une virée électrique au cœur de ces quartiers chauds de Lagos qui dévorent les vies et les immondices. Un polar survolté dénonçant la condition féminine et qui déconstruit avec humour le poncif d’une Afrique barbare.
Ce qui gît dans ses entrailles, Jennifer Haigh, Gallmeister, 24€20
Face aux richesses que fait miroiter un groupe industriel en échange de terrains dont les gisements de gaz de schiste s’annoncent prometteurs, la petite ville de Bakerton revit… Mais alors qu’insidieusement l’eau s’empoisonne, les liens entre foreurs, habitants et investisseurs, à l’instar de leurs consciences et de leurs idéaux, se fragmentent, tissant la trame d’une histoire terriblement humaine. D’une écriture fluide et maîtrisée, un roman dont l’intrigue et les personnages finement ciselés tend vers le chef d’œuvre.
Bombes, Dominique Delahaye, La Manufacture De Livres, 15€90
Au cœur de la nuit lyonnaise se croisent des hommes aux destins très différents. Quand un groupe de nazillons attaquent deux graffeurs, laissant Choukri mort sur le trottoir, s’enclenche un tourbillon de course poursuite haletant, où nous croisons Emilie, une jeune zadiste de passage hébergée par Salif, un infirmier vivant sur une péniche, Annabelle, jeune bourgeoise intégriste et d’autres portraits entraînés dans la tourmente.
Bombes est un de ces romans, noir et puissant, qui nous explosent dans les mains par sa pertinence et son réalisme.
La terre qui les sépare, Hisham MATAR, Gallimard, 22€50€
En 1990, l’activiste politique Jaballa Matar disparaît dans les geôles libyennes, sous la dictature de Kadhafi. Vingt ans plus tard, son fils Hisham Matar, qui a foi dans le pouvoir consolateur des récits, recompose l’histoire de son père, de sa famille et de son pays. Un grand livre à la beauté stupéfiante – d’or et déjà un classique.
Piégée, Lilja Sigurdardottir, Métaillé noir, 21€
Une ambiance nordique-crépusculaire comme on les aime, une femme comme de juste séparée, comme de juste à la peine dans sa vie, entretenant par ailleurs une relation amoureuse compliquée et non entièrement assumée : on peut craindre le pire. Mais ce roman féminin et à héroïne déjoue les rouages simplistes du monde et du polar, broyeurs de femmes et de faibles. D’une grande originalité, Piégée n’est pas sans rappeler La daronne d’Hannelore Cayre, chez le même éditeur.
Vernon Subutex, Virginie DESPENTES, Grasset, 19,90€
Pourquoi se ruer sur Vernon Subutex ? Parce que Virginie Despentes est la plus punk des auteures contemporaines. Parce qu’elle a cessé de faire des romans rock. Parce qu’elle est devenue une écrivaine brillante, capable de camper des personnages touchants et attachants – on croirait nos ami.e.s. Parce qu’elle a écrit le brillantissime King Kong Théorie. Parce que, si on ne voyait pas où elle nous menait avec le premier tome de Vernon Subutex et que le second était à la fois brillant et désemparant, le troisième, à l’instar des précédents, nous tient rivé à la page. Merci à Virginie Despentes de nous raconter des histoires différentes.
Attends-moi au ciel, Carlos SALEM, Actes sud, 22€
1. Il est rare qu’un écrivain dresse le portrait d’une cinquantenaire magnifique. 2. Carlos Salem écrit des polars parce que ce genre lui offre toute liberté, y compris celle de détruire les lois du genre. 3. Voici donc une devinette : la cinquantenaire sera-t-elle la victime de l’histoire ?
Jubilatoire, inattendu, libérateur, iconoclaste, frais et sensuel, ce roman pas du tout policier est à mettre en toutes les mains.
Sur le
sillage de l’oubli, Bruce MACHART, Gallmeister, 10€50
Dans une collection intitulée « nature writting », voici un roman terrien, une fresque familiale dont le point de départ est le Texas en 1895. Une communauté paysanne s’affaire, oeuvrant à contrer la dureté de la terre. Roman sur le deuil, sur l’absence, sur le poids qui pèse sur les épaules de ceux qui restent, sur la dureté des rapports entre parents et enfants. Absolument sidérant.
La nature exposée, Erri DE LUCCA, Gallimard, 16€50
Ce roman condense les thèmes forts de l’oeuvre de ce très grand écrivain italien : la montagne, l’art, la solitude et la rencontre, la nécessaire aide à apporter aux sans-papiers, l’effacement aussi. Splendide, saisissant, limpide.
Les bottes suédoises, Henning MANKELL, Seuil, 21 € & 7.70 €
Suite informelle et indépendante des Chaussures italiennes, Les bottes suédoises renouvelle le miracle. Le râleur à la fois insupportable et attachant vit toujours sur son île, il hésite toujours, toujours ne trouve pas les mots. Qu’est-ce qui le fait tenir ? Comme toujours, Mankell touche au plus juste, à l’essentiel. A lire avec lenteur.
Le blues de la Harpie, Joe MENA, Agullo, 21,50€
Pour Joe Mena, c’est un roman à l’américaine, noir et dense.
Fraîchement sorti de prison, où il était incarcéré pour homicide involontaire, Luce Lemay n’a guère d’autres choix que de retourner dans sa ville natale en rasant les murs. Flanqué d’un ami ex-taulard à l’esprit agité – qui n’est pas sans rappeler Lenny des Souris et des hommes – Luce s’efforce d’instaurer dans leur quotidien monotone la stabilité nécessaire à une vie rangée. Or, ces deux anti-héros sont résolument nés sous une mauvaise étoile : lorsque Luce tombe amoureux et que la racaille du coin s’en mêle, les chances de rédemption s’amenuisent…
Joe Meno, en délicat portraitiste de bourgades négligés des hommes et d’hommes oubliés des dieux, excelle dans l’art de mêler poésie et roman noir.
Les Fur
ies, Lauren GROFF, l’Olivier, 23,50€
Les Furies dépeint l’histoire de jeunes mariés très amoureux, légèrement stéréotypés, et promis à un avenir radieux, jusqu’au point de bascule du livre qui nous réserve des surprises.Une variation fascinante sur le couple à la langue impétueuse.
L’in
stallation de la peur, Rui ZINK, 17,50€
Le livre concept, l’ovni littéraire, la grande découverte, l’Installation de la peur, de l’auteur portugais Rui Zink. Un huis clos angoissant, presque théâtral. Une discussion cruelle entre une femme protégeant son enfant, et deux agents du gouvernement venus installer « La peur ». Un réquisitoire insidieux contre nos sociétés qui, en ces temps de battages médiatiques, pourrait sonner on ne peut plus vrai. Car aujourd’hui, qu’est-ce qui nous fait peur ? Les araignées, la crise, les pauvres et les migrants ?
Un travail comme un autre, Virginia REEVES, Stock, 21,50€
Un superbe premier roman américain, à mi-chemin entre Steinbeck et Harrison ,qui raconte le destin foudroyé d’un agriculteur de l’Alabama au début du XXe siècle par l’apparition de l’électricité.
Recommandé par Sarah !
L
eçon à un jeune fauve, Michela Murcia, Seuil, 19€
Eleonora, 38 ans, comédienne célèbre et respectée mène une vie solitaire marquée par des relations amoureuses factices et douloureuses. Lorsqu’elle croise la route de Chirù, un jeune violoniste de 20 ans son cadet, et accepte de devenir son mentor, une étrange amitié se construit.
Des leçons de cuisine au choix des tenues et du maintien en société, tout s’apprend et se déconstruit. Le théâtre, omniprésent, domine la relation maître-élève, la teinte de double jeu et de manipulation subtile.
Un hommage à la phrase de Shakespeare « All the world a stage ».
Une délicate leçon d’amour et un étonnant voyage de théâtre en théâtre, de la Sardaigne à la Norvège.
Le dernier quartier de lune, Zijian CHI, Picquier, 22€
Après l’intimiste et enchanteur Bonsoir, la rose (Philippe Picquier, 2015), qui croquait la ville d’Harbin du siècle dernier, refuge des Juifs exilés, Chi Zijian revient avec une grande fresque mettant en mots la disparition du peuple évenk, au nord-est de la Chine. Et c’est à travers la voix d’une vielle femme, épouse du dernier chef de clan arrivée au terme d’une longue vie, que nous est contée dans un dernier souffle la vie de ces nomades. Une existence ponctuée par le rythme de la nature, des migrations de troupeaux de rennes et des croyances animistes. Mais un monde progressivement assailli par la sédentarisation à marche forcée et les soubresauts de l’Histoire, avec l’occupation japonaise, puis russe, et la Révolution culturelle. Le Dernier Quartier de lune célèbre dans un dernier éclat de poésie la fin d’un monde.
Les pr
olos, Louis OURY, Agone, 19 €
Issu du monde agricole, Louis Oury devient apprenti puis chaudronnier dans les chantiers navals de Saint-Nazaire. Cette autobiographie passionnante (et mal nommée ?) livre un témoignage remarquable sur les conditions de vie et de lutte des ouvriers, notamment en 1955, date de grandes grèves auxquelles l’auteur prendra une part active.
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Stat
ion Eleven, Emily ST. JOHN MANDEL, Rivages, 22€
Au premier abord, Station Eleven se présente comme un énième et bête roman survivaliste : une pandémie emporte l’immense majorité de la population en quelques jours. Certes le genre est plaisant : on aime à trembler à l’idée de fin du monde bien au chaud dans nos pantoufles. Mais ce qui distingue ce roman de la canadienne St John Mandel de La route de Cormac Mccarthy, par exemple, ou de Extinction, de Matthew Mather, c’est d’abord son absence totale de complaisance pour le glauque, les scènes d’horreur ou les combats – et son propos humaniste. En un mot, Station eleven, qui met notamment en scène une troupe d’acteurs qui se déplacent pour jouer Shakespeare devant les survivants, est, en creux, un chant d’amour à la beauté de notre civilisation. Etonnant. Excellent.
Le jardin arc-en-ciel, Ito OGAWA, Picquier, 19 € 50

Une rencontre, et voilà deux vies engagées dans un cours tout aussi heureux qu’improbable. Ce Jardin arc-en-ciel appartient à la catégorie (rare) des livres qui ouvrent des possibles, inventent des utopies (amoureuses) et combattent les préjugés en traçant des voies nouvelles. Où l’on retrouve de cette douceur et tendresse réparatrice qui nous avait séduit dans Le restaurant de l’amour retrouvé, ce titre qui figure au nombre de nos plus chaleureuses recommandations de libraires.
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Dans le jardin de l’ogre, Leïla SLIMANI, folio, 7 € 10
« Les gens insatisfaits détruisent tout autour. »
La description fine et sensible d’une femme sujette à une pulsion, par la lauréate du Prix Goncourt 2016.
Venise est lagune, Roberto Ferrucci, La Contre allée, 8 € 50
Douce et nostalgique à la fois, cette méditation littéraire sur l’impact du tourisme sur la fragile lagune de Venise est en fait un véritable cri de colère d’un Vénitien contre les monstrueux paquebots – symboles de cette véritable foire touristique que promeut l’actuel maire – qui mettent en péril cette ville belle à couper le souffle.
Il était une fois l’inspecteur Chen, Qiu XIALONG, Liana Levi, 19 €
Une série d’enquêtes malicieuses du lettré Chen Cao, qui éclairent davantage sa jeunesse, en même temps que les contradictions d’une société chinoise recomposée mais toujours tiraillée, entre règne des « Gros sous » et douloureux retours d’héritages de la Révolution culturelle. Doux, fin, émouvant.
La fille du train, Paula HAWKINS, Pocket, 7 € 80
Rachel a été quittée, a été trompée. Le hasard fait que son trajet quotidien en train l’amène à observer la vie de son ancien conjoint et de sa nouvelle compagne, et à être le témoin malheureux de leur nouveau bonheur. Un polar psychologique qui dépeint avec une acuité rare le sentiment de jalousie et les pensées obsessionnelles d’une femme en perte de sens. Un de ces bijous qui hisse le genre policier au niveau de la littérature blanche.
Recommandé par Fabien

Les bottes suédoises & Les Chaussures italiennes, Henning MANKELL, Seuil, 21 € & 7.70 €
Avec Les bottes suédoises, suite informelle et indépendante des Chaussures italiennes, on retrouve cet homme en fin de vie qui a trouvé refuge sur l’île familiale, ce râleur à la fois insupportable et attachant. Je déteste dire d’un livre qu’il s’agit d’un chef d’œuvre. Et pourtant… Quand on lit Les bottines suédoises, quand on relit Les Chaussures italiennes, on sent qu’on tient entre les mains une de ces textes magiques qui, sans qu’on sache exactement pourquoi, touche au plus juste et à l’essentiel : la vie, la mort, l’amour, peut-être ? Ce qui nous fait tenir et ce qui nous fait lâcher ? Deux textes qui, en dépit d’une trame narrative qu’on ne saurait qualifier d’utopiste ou de fleur bleue, procurent une sensation de bien-être aussi précieuse qu’une douce lumière de fin d’après-midi en hiver.
Très chaudement recommandé par Fabien
Désori
entale, Négar DJAVADI, éditions Liana Levi, 22 €
Dans un hôpital parisien, une jeune femme Kimia attend son médecin en salle d’attente. Dans son Iran natal, cette même salle ressemblerait à un caravansérail débordant de discussions mais le silence qui règne ici l’invite à se souvenir et à nous raconter l’histoire de sa famille sur trois générations depuis le XIXe siècle et jusque dans les années 80, date de son exil en France.
Si la première partie du roman se déroule ainsi en Iran, avec des allures de contes des mille et une nuits, ponctuée de drôles d’anecdotes, la seconde partie se déroule à Paris au début des années 80 où la famille s’est réfugiée. L’auteure racontera le déracinement et le sentiment de n’appartenir à nul pays, les chemins de traverse pour trouver sa place.
Ample fresque familiale et historique, Désorientale est un beau chant à la liberté de vivre, de penser et d’aimer.
C’est aussi un regard croisé sur l’Orient et l’Occident qui offre de belles réflexions sur l’exil et l’identité. Car n’oublions pas que ce livre est avant tout l’histoire d’une femme en quête d’elle-même.
Recommandé par toute l’équipe !
Mam’zelle Gnafron et autres pièces du Guignol lyonnais, La coopérative, 2016, 21 €
Entre la
montée de la Grand-Côte et celle du Gourguillon, loin de la fade image d’Epinal, ces petits génies de la farce et démons dionysiaques que sont Guignol et Gnafron célèbrent le vin, la bonne chair et un esprit de résistance intemporel. Drôle, subversif et d’une immense inventivité langagière, ce beau recueil rend enfin disponible un monument du patrimoine littéraire lyonnais demeuré trop longtemps inaccessible !
GNAFRON. - Le commerce est arrête. J’ai plus le sou, Chignol, que je te dis, je vas me jeter en Saône !
GUIGNOL, l’arrêtant. - Dis pas de gognandises ! C’est pas en te jetant à l’eau que tu trouveras le moyen de boire de la vinasse. Vaut mieux tirer des plans.
Recommandé par Fabien

Henri CALET, Les deux bouts, Héros limite, 2016, 18 €
Par cette série de portraits infiniment touchants d’une flopée de travailleurs et travailleuses de tous âges et de toutes professions que Calet accompagne le temps d’une journée, on touche de tout près à la vie des français en 1953. A vie matérielle d’abord : les horaires de travail (souvent 50 heures hebdomadaires), les trajets, le métier, le logement. A la vie rêvée enfin : les loisirs, les aspirations et ce qui touche à l’horizon d’attente, mariage, vacances ou retraite à venir. Toute la question étant de… joindre les deux bouts ! Une sociologie à la flâne, un précieux quotidien donné à voir à ras d’homme, avec la tendresse, le style et l’humour inimitables du grand Henri Calet.
Recommandé par Fabien
Carmine CROCCO, Ma vie de brigand, Anacharsis, 2016, 18 €
Issu d’une famille pauvre du sud de l’Italie, Carmine Crocco devient en 1861″général des brigands » du Mezzogiorno. Eruptif, enragé, fin stratège, il met régulièrement en déroute les troupes gouvernementales. Embuscades, batailles, fuites, escarmouches : s’il dresse le portrait d’une personnalité attachante jusque dans ses contradictions, ce récit autobiographique échevelé et plein de vie se lit avant tout comme un palpitant roman d’aventure. Un formidable moment de lecture.
Recommandé par Fabien
Le Ga
rçon, Marcus MALTE, Zulma, 23,50 €
Au début du siècle précédent apparait un garçon pour le moins atypique. Sauvage, il n’a ni nom ni langue. Après la mort de sa mère, il erre de rencontres en rencontres. D’une communauté paysanne, d’un ogre, d’un régiment de soldat, d’un horticulteur mélomane et sa fille, il apprendra la méfiance, l’amitié, la folie, l’art, la mort et surtout l’amour. Avec une plume hors du commun, Marcus Malte nous fait suivre ce garçon muet dans la France chaotique de ce début de siècle. D’une nostalgie, d’une beauté, d’une force…
Une des plus belles découverte de la rentrée littéraire pour Paco !
Un p
aquebot dans les arbres, Valentine GOBY, éditions Actes sud, 19,80€
Un paquebot dans les arbres raconte comment une gamine frondeuse, face à l’adversité et à la maladie, va tenter d’enchanter à tout prix l’existence de ses proches. Un très beau livre de cette rentrée, étonnant et solaire.
Vivement recommandé par Sarah !
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Wate
rship Down, Richard ADAMS, Monsieur Toussaint Louverture, 21,90€
Sur la paisible colline de Sandleford, au milieu de l’herbe et du cresson, se vivent de terribles aventures. Suivez Hazel le leader, Fyveer le prophète, Bigwig la brute et leur bande à la recherche de la liberté, luttant pour survivre, accomplissant des prouesses inhumaines. Bienvenue dans le quotidien de…lapins à la recherche d’une nouvelle garenne.
Un roman étonnant, rappelant Kipling et Grahame, plein d’une poésie enfantine et touchante, pour s’émerveiller dans la nature en compagnie de bêtes intrépides.
Un grand coup de cœur de Paco !
M
a part de gaulois, Magyd CHERFI, Actes sud, 19,80€
Les tribulations singulières d’un « gallo-beur » dans la cité toulousaine des années 80. Vif et touchant, un hymne en l’honneur des habitants des territoires oubliés de la République, par le chanteur et parolier du groupe toulousain Zebda.
Recommandé par Fabien & Sarah !
L’amour a le goût des fraises, Rosamund Haden, Sabine Wespieser, 24 €
Un beau roman sud-africain dont le récit, diablement bien mené, a le goût des douceurs acidulées de l’enfance. A travers la disparition d’un peintre, Rosamund Haden explore avec délicatesse les incidents de la vie de l’Afrique du Sud au Rwanda, en passant par la Grèce. Mais son écriture polyphonique offre par-dessus tout une magnifique variation sur l’amour sous toutes ses formes, qu’il soit maternel, éphémère, érotique, étouffant, filial, passionné, capricieux.
Recommandé par Sarah !
Mémoire d
e fille, Annie Ernaux, Gallimard, 15 €
Avec ce titre ultime (?), Annie Ernaux nous livre une nouvelle pièce-maîtresse d’une œuvre qui en comporte beaucoup. L’interrogation sur la mémoire et l’oubli, la honte, ce qu’on est et ce vers quoi l’on tend quand on est jeune, comment on se remet – ou pas – des chocs du passé, associés à la description précise et comme sur le vif des émois et de la découverte de la sexualité par une jeune fille – en 1958 – font de cette œuvre un choc : comment Ernaux parvient-elle à décrire avec pareille justesse et méticulosité des sentiments aussi anciens, et que soit même l’on n’a pas connus ? Magie de la littérature, quand elle touche un certain universel ? Dans tous les cas, Mémoire de fille est un joyau dont on tourne les pages avec une passion rare, une œuvre parfaitement aboutie et étonnante, qui fera date.
Recommandé par Fabien
Alamut, Vladimir BARTOL, Libretto, 13 € 80
« Rien n’est réel, tout est permis » Cet immense roman slovène publié en 1938 se déroule en Iran à la fin du XIe siècle, et met en scène des personnages historiques, notamment Omar Khayyam, le génial auteur des Quatrains, et Hassan Ibn Sabbâh, plus connu sous le nom de Vieux de la montagne, qui recueille et endoctrine de jeunes hommes pour en faire des guerriers redoutables, les fameux Hashishins, tant redoutés des Croisés. Où l’auteur offre une réflexion saisissante, et malheureusement d’une extrême actualité, sur le fanatisme, la manipulation et la quête de sens.
Recommandé par Fabien
Le ha
rki de Meriem, Mehdi Charef, Agone, 14 €
» – Maman, c’est quoi un harki ?
– C’est quelqu’un qui a eu le courage de tout perdre pour faire vivre sa famille. »
Publié en 1983, année de la Marche pour l’égalité et contre le racisme (dite « des Beurs »), ce roman magnifique et attendrissant, dont on ne comprenait pas qu’il soit épuisé, écrit une page indispensable de notre histoire coloniale et post-coloniale. « Il ne s’engagea pas contre quelqu’un, il s’engagea contre la terre : le ventre aride de la terre. » Lecture salutaire et pleine d’actualité.
Recommandé par Fabien !
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Rire enc
haîné – Petite anthologie de l’humour des esclaves noirs américains, éditions Anacharsis, 14€
Anthologie de textes humoristiques appartenant au folklore des esclaves noirs américains, Rire enchainé constitue un témoignage historique précieux de l’intérieur des plantations, qui diffère de celui des abolitionnistes, et de cette évasion par le rire. Face à un système qui interdisait l’accès des noirs à l’instruction et punissait par le fouet la lecture, l’humour devient un « processus de légitime défense », grâce auquel les esclaves en apparence ingénus tournent en dérision leurs maitres.
Formidable pied de nez à une institution niant les droits fondamentaux, un recueil humaniste et actuel contre toute forme de musellement de la parole.
Recommandé par Fabien & Sarah !
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Vi, Ki
m Thuy, éd. Liana Levi, 14,50€
Vi et sa famille vivent dans le sud du Vietnam. Dernière née d’une riche famille de Saigon, elle doit, à 10 ans, quitter son pays natal, suite à la réunification du Vietnam. Après un voyage tumultueux sur des bateaux de fortune, un passage dans un camp de réfugiés en Malaisie, ceux que l’on appelle dorénavant les « Boat-people » s’installent au Canada.
Par chapitres courts, Kim Thuy nous raconte des instants de vie et de réflexion. Entre les traditions de Saigon, le mode de vie canadien, les amours et déceptions de Vi, ce court roman nous entraîne dans le monde intime d’une femme dont le nom signifie « minuscule ». Avec Vi, Kim Thuy explore la notion d’identité, de culture, et fait, par son écriture poétique et elliptique, voyager le lecteur entre passé et présent.
Une très belle découverte de Paco
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Les ét
oiles s’éteignent à l’aube, Richard Wagamese, éd. Zoé, avril 2016, 20€
Franklin Starlight, jeune indien ojibwé, vit une vie paisible plongée dans la nature canadienne. A seize ans, il travaille comme un homme dans la ferme où il a grandi et s’éclipe régulièrement pour des « fugues » en forêt de plusieurs jours.
Lorsque son père, parti vivre en ville peu après sa naissance, l’appelle à son chevet, la rencontre est rude. Sentant sa fin arrivé, décimé par l’alcool, le travail et une vie de misère, Eldon Starlight voudrait mourir selon la coutume de son peuple.
Forcé de vivre ensemble un premier et dernier voyage, à travers la colombie britannique, père et fils apprendront à se connaitre, à se confier et à se comprendre.
A travers le destin de ces deux hommes, Richard Wagamese nous raconte l’histoire de son peuple d’une écriture fluide et puissante. De l’harmonie entre les indiens et la nature aux fracas de la ville et ses relents d’alcools, c’est un roman à lire d’une traite, parfois le sourire aux lèvres, souvent les larmes aux yeux.
Un coup de coeur de Paco
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Bad Girl, Nancy Huston, éd. Actes sud, avril 2016, 7,8€
Nancy Huston revient avec le récit plus intime de son enfance, marquée par le départ de sa mère quand elle était âgée de 6 ans. Une désertion qui innervera pour toujours son imaginaire et ses lignes de faille.
Plongée dans l’intériorité, Bad Girl est un récit dense et passionnant, à l’écriture puissante, dans lequel s’inscrit en creux les thèmes fondateurs de l’œuvre de Nancy Huston, comme l’avortement, la maternité, la féminité et le diktat de la beauté, l’exil, la crainte de l’immobilisme, la transmission et le mensonge. Il s’agit aussi d’un récit généreux, humain et engagé, d’une femme qui, enfant, ne se trouva pas dans les yeux de sa mère.
Recommandé par Sarah !
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N’ba, Aya Cissoko, éd. Calmann Lévy, mars 2016, 17€
Savoir d’où l’on vient, tel est le fil rouge du nouveau roman de l’ancienne championne du monde de boxe. Et ce en racontant sa mère, ba en bambara, qui vient de mourir. Dans un flot de souvenirs, l’auteur revient avec une simplicité forte et bouleversante sur la vie de cette dernière, qui malgré une vie d’épreuves successives, garda toujours la tête haute et le verbe haut. Née au Mali, elle rejoint son mari en France au milieu des années 1970. A travers des chapitres thématiques (Tu frottes bien ! La France, L’entremetteuse,…) sont contés la solitude, l’éducation des enfants, le foyer de Montreuil, les discussions dans la langue du pays natal mais aussi la perte d’êtres chers, l’attachement à la communauté et les gestes qui rattachent à la vie d’avant. Immersion dans la diaspora africaine et portrait-hommage à la mère qui s’est assumée envers et contre tout, N’Ba constitue un retour passionnant sur les femmes d’Afrique, piliers de la famille, même loin de chez elles.
Recommandé par Sarah !
(Page des Libraires)
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Dans la
gueule du loup, Adam Foulds, éd. Piranha, février 2016, 18.5€
Will, Ray et de nombreux autres ne sont adultes que depuis peu lorsqu’ils débarquent sur les cotes de Sicile ou du Maghreb afin de se battre contre les Allemands. Certains se rêvent en Lawrence d’Arabie, d’autres en vedettes de cinéma. Ils pensent à leurs vies en Amérique, en Angleterre, ou à leurs familles pour certaines originaires de ce bout de terre qu’ils doivent reconquérir. L’Histoire les cueillera tous pour les jeter dans ce formidable tourbillon de violence que fut la Seconde Guerre mondiale. Adam Foulds, pour ce premier livre traduit en français, détonne par une écriture poétique et sensuelle couplée à une histoire d’une violence et d’une efficacité remarquable. Entre balade dans les paysages siciliens calme après les batailles, scènes de vie pittoresque et horreur des combats, du grand roman historique.
Un coup de cœur de Paco!
Aux ani
maux la guerre, Nicolas Mathieu, éd. Babel, janvier 2016, 9.70€
Dans les Vosges, l’hiver est rude. Les habitants aussi. Aussi, quand la principale usine de la région menace de fermer, nombreux sont ceux qui sont prêt à tout pour survivre, et qui, comme Bruce, ou Martel, rêve de pouvoir desserrer la corde des dettes qui les tuent lentement. Mais comment, quand le travail manque cruellement, faire vivre une famille, payer un loyer, ou même se payer les packs de mauvaises bières, nécessaire pour l’oubli de la vie minable qu’ils vivent… « Aux animaux la guerre » est le roman de la fin d’une époque, celle des usines, celle des luttes de classes…Sombre mais brillant.
Coup de cœur de Paco!
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Hérétiques
, Leonardo Padura, éd. Points, janvier 2016, 8,95€
Hérétiques ou comment un tableau de Rembrandt nous fait voyager dans un Cuba pré et post-castrite et dans l’Amsterdam du XVIIe siècle. Vous redécouvrirez l’épisode dramatique du paquebot Saint-Louis transportant des centaines de Juifs qui en 1939 seront refoulés des eaux cubaines, déambulerez dans les ruelles assourdissantes et étouffantes de la Havane et découvrirez la vie dans l’atelier du grand maître hollandais à l’âge d’or. Mêlant enquête et roman historique, un flamboyant roman célébrant le libre arbitre.
Recommandé par Sarah !
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En attendant Bojangles, Olivier Bourdeaut, éd. Finitude, janvier 2016, 15.50€
Dans une maison en Espagne, Georges, sa femme (dont le nom change chaque jour, en fonction de l’humeur), son fils, et l’étrange oiseau exotique Mademoiselle Superfétatoire ne vivent que pour le plaisir et la fête permanente. Chez eux, l’amour est vertigineux ou n’est pas, et chaque instant est une folie menée sur l’air de « Mister Bojangles » de Nina Simone.
Un jour pourtant, la folie s’aggrave, et la réalité revient brusquement, amèrement.
Un portrait d’un couple fantasque et émouvant, au travers des yeux de leur fils, le tout porté par une écriture faussement naïve, faisant naître autant de francs éclats de rire que de petites perles de désespoir.
Un magnifique roman sur l’amour fou, sur les vertus du mensonge et de la folie douce, une fable d’une brillante cruauté.
Recommandé par Paco et Sophie !
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Kannj
awou, Lyonel Trouillot, éd.Actes sud, janvier 2016, 18€
Dans une société où la littérature et la politique sont inextricablement liées, Lyonel Trouillot ne fait pas office d’exception. Ces mots sont des charges. Dans son dernier roman Kannjawou, il raconte son pays, l’un des plus pauvres au monde, meurtri par des décennies d’instabilité politique, et fustige son occupation par les forces militaires et les ONG, sous contrôle de la communauté internationale. On ne chasse pas des soldats avec des mots, comme le souligne Sentinelle des pas perdus, le sagace narrateur du roman, mais il est parfois nécessaire « de tout consigner » quand cela va mal. Ainsi, posté dans la rue de l’Enterrement, cette vigie inébranlable raconte le quotidien dans une terre où la richesse et la pauvreté se livrent une guerre de mouvement. La violence et l’exclusion sociale. Les bottes ennemies. Le cimetière et ses deux visages : le jour, les cortèges et les fanfares, la nuit, les coups de pioche des voleurs de cercueil. Et à travers sa voix, c’est toute une galerie virevoltante de personnages qui entre en scène, à commencer par ses amis, la fameuse « bande des cinq », dont il fait parti. Liés depuis l’enfance, ils devisent sur la marche du monde et leur avenir. Fantasmant d’improbables révolutions, ils tentent aussi d’instaurer un peu de justice sociale en créant avec quatre bouts de tôle une association culturelle pour les jeunes du quartier. Ainsi, autour du narrateur, étudiant qui passe son temps à cogiter sur la logique des parcours individuels, de Popol, son frère silencieux, de Wodné, militant révolté à la pensée radicale, et de Joëlle et Sophonie, deux sœurs broyées par les pressions sociales, il y a aussi l’inoubliable Man Jeanne, doyenne et mémoire de la rue, qui verse du pissat de chat sur la tête de ses ennemis. On découvre aussi le petit professeur, intellectuel qui travaille sur une histoire de la gauche et des mouvements progressistes. A cette rue de l’Enterrement, emblématique de ce microcosme, s’oppose le bar « Kannjawou », fréquenté par « les occupants » et « assistants aux occupants ». Ces expatriés, qui viennent s’encanailler et boire l’argent produit par le malheur des locaux, changent régulièrement de poste, « au nom de la démocratie et du principe de rotation, et pour que toutes les nations en profitent ». Dans la culture populaire haïtienne, le mot kannjawou signifie le partage et la fête, la grande fête qu’espère tant le vieil Anselme à la fin de sa vie, entouré des siens et des voisins. Mais comment penser aux divertissements et aux réjouissances quand les inégalités, les jeux entre puissances, la corruption et la pauvreté détruisent toute cause commune, tout passé, tout avenir, tout rêve ? De sa langue pareille à nulle autre, chamarrée et incarnée, Lyonel Trouillot ébauche un temps où aucun expert ne viendra imposer les directions à suivre comme si les « vies étaient des fautes d’orthographe », et célèbre, dans un roman vibrant d’humanité, deux idées souvent piétinées : la mémoire et l’espérance.
(article rédigé pour la revue Page des Libraires)
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Les sept vies des chats d’Athènes, Takis Théodoropoulos, éd. Sabine Wespieser poche, novembre 2015, 8 €
« A l’instar des enfants, les félins tirent leur amour du jeu de ce rapport qui les lie à l’éternel présent, puisqu’ils ne se soucient ni du passé ni de l’avenir. Cette certitude qu’ils ont de posséder sept âmes leur confère une grande capacité d’ironie vis-à-vis de l’inexistence. Car s’ils n’ignorent pas la sensation du néant, ils ont su canaliser celle-ci pour la transformer en tremplin de vie ».
A mi-chemin entre conte philosophique et satire politique, un petit texte facétieux et mordant avec des chats non moins malicieux qui seraient les réincarnations des philosophes de l’Antiquité.
Recommandé par Sarah !
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Debo
ut-payé, Gauz, éd. Livre de poche, novembre 2015, 6,60 €
Debout-Payé c‘est l’histoire d’Ossiri, étudiant ivoirien qui comme son père et son grand-père devient vigile au Camaïeu de Bastille et au Sephora des Champs-Élysées. Sans papiers dans la France des années 1990, c’est le seul job qu’il trouve. Chronique du quotidien d’un immigré et de sa communauté dans la capitale parisienne doublée d’un bel hommage à la famille, le livre est aussi « l’histoire politique d’un immigré et du regard qu’il porte sur notre pays (…) de la Françafrique triomphante à l’après 11-Septembre ». Mais c’est aussi un objet littéraire inattendu et génialement insolent. Car au détour des pages, Gauz retranscrit les choses vues et entendues en tant que vigile sous forme de saynètes et sentences tour à tour caustiques et poétiques à la portée quasi sociologique. En fin satiriste, il tourne en dérision notre société de consommation pour notre plus grand plaisir. Intelligent et détonnant !
Recommandé par toute l’équipe !
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Le Promeneur d’Alep, Niroz Malek, éd. Le Serpent à plume, octobre 2015, 16 €
A Alep, à la lueur d’une bougie, un homme, qui refuse de fuir le chaos, écrit jour après jour, le quotidien d’une population plongée en enfer. Journal de bord d’un écrivain résistant avec les mots aux balles ennemies, Le Promeneur d’Alep sont autant de chroniques – éclairs disant l’urgence de témoigner. La douleur et la tristesse. Les vies minuscules raflées. Le bruit assourdissant des bombardements. Les barrages à chaque coin de rue. Les jardins publics transformés en cimetière. De ces événements qui ne peuvent surgir qu’en temps de guerre. Mais de son écriture aux fulgurances poétiques évoquant la nostalgie de l’enfance et les amours colorés, Niroz Malek laisse entrevoir des éclaircies pleines d’espoir.
Recommandé par Sarah !
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Tony H
ogan m’a payé un ice-cream avant de me piquer maman, Kerry Hudson, éd. 10/18, septembre 2015, 8.10 €
Voir le jour dans la famille Ryan n’est pas une mince affaire. Entre une jeune mère célibataire au langage fleuri, une grand-mère accro au bingo et aux cigarettes, un oncle camé complètement largué et un père américain inconnu et idéalisé, Janie doit jouer des coudes pour trouver sa place dans une tribu où les injures et les coups fusent. Et c’est avec une gouaille folle que la petite Ryan nous raconte son enfance dès les premières heures de sa naissance, son quotidien et ses aventures dans un monde qui ne lui épargne rien. Une chouette chronique sociale sur la jeunesse écossaise dans les années 1980 qui donne la parole aux laissés-pour-compte.
Un roman ébouriffant, parcouru d’un éclat de rire permanent, recommandé par Sarah !
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Dans le
grand cercle du monde, Joseph Boyden, éd. Livre de poche, octobre 2015, 8,30€
Trois personnages divisés par leur appartenance accompagnent le lecteur dans le Canada du XVIIe siècle sur le point de basculer : un jésuite français venu évangéliser les Indiens, Chutes-de-Neige, une jeune iroquoise assoiffée de vengeance dont la famille vient d’être massacrée et un chef de guerre huron qui devine le déclin de son peuple. De ces trois voix aux langages et croyances différents renaît tout un monde, celui des coutumes indiennes, et la colonisation amérindienne par l’homme blanc. Une magnifique épopée, poétique et cruelle comme peut l’être le réel.
Recommandé par Sarah!
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Du temp
s où j’étais un mac, Iceberg Slim, éd. Belfond Vintage, septembre 2015, 15 €
S’inscrivant dans une longue tradition autobiographique afro-américaine, Iceberg Slim, qui dénonce le creuset raciste qu’est l’Amérique des années 60, est l’un des premiers à décrire l’homme noir autrement qu’en faire-valoir de l’homme blanc.
Emblématiques d’une époque, ces écrits cyniques et engagés, scandent, dans une prose rageuse, ce qu’est la vie dans les ghettos noirs, au son du black power, et revient de manière plus introspective sur ce que fut ses années de « maquereautage ». CULTE !!!
Recommandé par Sarah et Paco!
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Julien Blanc-Gras, In utero, éd. Le Diable vauvert, septembre 2015, 15 €
Le journal de grossesse d’un futur père, neuf mois d’attente, de fierté, d’angoisse, d’amour, de trouille, de projections…
Avec humour et honnêteté, le célèbre globetrotteur nous emmène cette fois dans un voyage au centre de l’humain.
Recommandé par Sophie et Laureline !
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Petit P
iment, Alain Mabanckou, éd. Seuil, août 2015, 18,50 euros
Petit Piment est un jeune orphelin espiègle et débrouillard et c’est le personnage du nouveau roman d’Alain Mabanckou! Dans cette fable truculente, l’auteur congolais raconte les tribulations de Petit Piment. Après une enfance presque heureuse dans une institution catholique balayé par la révolution socialiste, le jeune garnement s’acoquinera avec les petits bandits du Grand Marché, vivra de combines et de larcins et rencontrera Maman Fiat 500, une généreuse maquerelle. Le bonheur semblera enfin à portée de main mais pour combien de temps? Formidable roman d’apprentissage, Petit Piment raconte cette jeunesse africaine qui tente d’exister coûte que coûte, quitte à passer la ligne rouge. Mais à travers l’histoire de ce Gavroche africain, c’est aussi l’histoire de son pays natal qu’explore Mabanckou ainsi que ses lignes de faille comme la corruption, les politiques autoritaires menées au détriment des individus ou encore la condition des femmes.
Un conte urbain délicieux, à la langue chamarrée, recommandé par Sarah!
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Eka Ku
rniawan, L’Homme-tigre, éd. Sabine Wespieser, septembre 2015, 21€
Un jeune homme, qui serait hanté par un tigre, commet un crime terrible dans un petit village de Java. L’auteur, écrivain majeur dans son pays, remonte le passé pour comprendre ce geste fou. Une tragédie qui se révèle être un magnifique instantané de la société et culture indonésienne. Un sens de la narration réjouissant, de l’humour et des associations inédites d‘images pour des moments de fulgurances poétiques. Gros coup de cœur !
Recommandé par Sarah !
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Vanessa Barbara, Les Nuits de laitue, éd.Zulma, août 2015, 17,50€
Dans une petit maison jaune vit en parfaite harmonie Otto et Ada, mariés depuis des décennies. Cultivant tout deux une égale passion pour les documentaires animaliers, le ping-pong et le chou-fleur, ils sont pourtant très différents. Tandis qu’Ada, appréciée de ses voisins, participe activement à la vie du quartier, Otto est plus taciturne. La vie s’égrène paisiblement dans ce microcosme un peu farfelu. Il y a Nico, le pharmacien qui connaît sur le bout des doigts les effets indésirables des médicaments, Anibal, le facteur dilettante qui mélange le courrier, Mariana, jeune anthropologue qui s’ennuie à la maison, Teresa et ses chiens endiablés… de drôles d’hurluberlus qui cohabitent pour notre plus grand plaisir ! Mais le jour où Ada disparaît brutalement, Otto, grand lecteur de polars sanglants, se demande si on ne lui cacherait pas quelque chose…
Jouant malicieusement avec les codes du roman policier et abordant par petites touches sensibles la perte d’un être cher, Les nuits de laitue est une fantaisie loufoque et tendre qui donne un sacré coup de peps !
Recommandé par Sarah et Paco !
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Charif Madjalani, Villa des femmes, éd. Seuil, août 2015, 18€
Nouvelle variation sur une thématique chère à l’auteur – la grandeur et la décadence des grandes familles libanaises -, Villa des femmes, à la langue envoûtante et à l’imaginaire flamboyant, opère un focus saisissant sur les femmes de ces fratries qui s’affranchissent de la société traditionnelle patriarcale. Un canevas baroque somptueux mêlant saga familiale, fresque historique et pastiche de romans d’aventure !
Un des plus beaux textes de cette rentrée vivement recommandé par Sarah !
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Mathias Enard, Boussole, Actes Sud, août 2015, 21.8€
Entre Damas, Vienne et Paris, Mathias Enard nous embarque au plus profond des souvenirs et des sentiments d’un homme, tout au long d’une nuit d’insomnie.
Tour à tour mélancolique et envoûtant, palpitant et joyeux, « Boussole » est à la fois un roman d’Histoire et d’aventures, de musique et de littérature, une magnifique déclaration d’amour à l’Orient et à ses échanges avec l’Occident.
Vivement recommandé par Sophie !
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Jax Mill
er, Les Infâmes, éd. Ombres Noires, septembre 2015, 21€
Témoin protégée par le FBI, Freedom Oliver coule des jours sombres dans une petite ville de l’Oregon, attendant l’heure fatidique de son suicide, programmée par le remplissage minutieux d’une tirelire de médicaments. Hantée par le meurtre de son mari, l’abandon forcé de ses enfants et toutes les erreurs qu’elle a pu commettre, la quarantenaire ne croit plus en rien… jusqu’au jour où tout bascule, quand sa fille Rebekah, élevée par un pasteur extrémiste, est portée disparue. Sortant de l’anonymat et affrontant ses démons, Freedom va sur son chemin trouver de l’infamie… mais aussi de la beauté.
Un récit sombre et haletant, qui nous transporte dans les dérives de la religion et ses conséquences, mais nous montre également l’infinie puissance de l’amour maternel, malgré la déchéance des âmes et la brutalité du monde décrit dans cet ouvrage.
Recommandé par Laureline et Sarah !
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Ryan Gattis, Six jours, éd. Fayard, septembre 2015, 24€.
Le 29 avril 1992, quatre officiers de police poursuivis pour le passage à tabac du célèbre Rodney King sont acquittés. Moins de deux heures après les délibérations, des émeutes éclatent à Los Angeles, ville du procès. Durant six jours, la cité des anges est à feu et à sang, les représentants de l’ordre désertent les rues et certaines personnes en profitent pour régler de vieux comptes.
C’est dans ce décor chaotique que Ryan Gattis installe son histoire, celle de dix-sept personnes liées par les évènements de ce printemps 1992. Déclenché par le massacre d’un innocent par un gang latino, ce roman choral nous entraîne dans les coulisses des émeutes et dans l’arrière-boutique méconnue des gangs et de leurs us et coutumes. Loin d’être manichéen ou moralisateur, ce livre est à la fois dynamique et réaliste. En effet, et c’est là le plus grand mérite de cet ouvrage, les faits décrits, bien que relevant de la fiction, nous paraissent vraisemblables, au point de parfois nouer nos tripes ou nous toucher plus que de raison. Tout ceci est plus que logique, puisque l’auteur est allé se documenter au plus près de la source, en rencontrant et en faisant corriger ses épreuves par un chef de gangs « chicanos » et plusieurs de ses seconds.
Un théâtre de guerres urbaines qui nous montre plusieurs facettes de l’humain lorsqu’il est face à lui-même et que les lois n’ont plus cours, mais aussi comment, par un évènement parfois à mille lieux de nous-même, nos vies peuvent être bouleversées d’une seconde à l’autre.
Vivement recommandé par Laureline !
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Denis Lachaud, Ah ! ça ira…, Actes Sud, août 2015, 21.8 €
Malgré le ras-le-bol ambiant, un activiste qui assassine le président de la République est loin d’emporter l’adhésion populaire… emprisonné pendant 21 ans, il ressort dans un Paris qui a évolué vers encore plus d’injustices. Sa famille et quelque amis marqués par son action vont décider de donner un nouveau souffle à la révolte nécessaire pour changer notre société !
Un roman engagé, qui pose de vraies questions, tout en étant sensible et plutôt optimiste !
Recommandé par Sophie !
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Paolo Di Paolo, Où étiez-vous tous, Belfond, septembre 2015, 17 €
« Où étiez-vous tous » est à la fois un roman d’apprentissage et le récit d’une époque : celle d’un jeune homme né en Italie en 1983 et qui n’a connu que « l’Ere Berlusconi », de son père enseignant retraité qui semble garder une sacré rencune contre ses élèves, de sa mère qui rêve de fuir à Berlin, l’époque des amours ratées et des études qui ne mènent à rien.
Une écriture douce-amer et un humour mordant, qui nous transporte dans l’intimité des jeunes générations italiennes.
Recommandé par Sophie !
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Jérémy Fel, Les loups à leur porte, Rivages, août 2015, 20€
A travers ces récits parfaitement construits et enchevêtrés, voici un roman noir, très noir, de la monstruosité humaine…
Recommandé par Sophie et Laureline !
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Antoine Volodine, Terminus radieux, Points, août 2015, 8.60 €
La Deuxième Union Soviétique a échoué, les centrales nucléaires qui devaient assurer l’indépendance de chaque ville ont lâchées les unes après les autres, soldats et travailleurs sont livrés à eux-mêmes, à l’errance, à la mort et à la presque-mort pour les dizaines et milliers d’années à venir.
Kranauer laisse derrière lui ses deux camarades pour trouver aide et eau, mais lorsqu’il arrive au kolkhoze Terminus Radieux il n’y trouvera que chaos et danger. Le président Solovieï, l’immortel chamane, contrôle tout et tous, les gens, les rêves, la forêt. La Mémé Ougdoul, son double féminin, nourrit, s’occupe et parle à la pile nucléaire qui les réchauffe. Les trois filles étranges de Solovieï tournent autour de Kronauer, mais celui-ci est prévenu : il n’a pas intérêt à leur faire du mal…
L’univers de Volodine est certes fait d’angoisse, de mort et de rêves chamaniques, mais il nous emporte avec un plaisir renouvelé, une poésie et un humour du désastre qui font de ce grand roman à la fois une suite incontournable pour ses lecteurs habituels qu’un parfait point de départ pour ceux qui souhaitent le découvrir.
Recommandé par Sophie !
(Prix Médicis 2014)
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